Pour ce deuxième épisode des coulisses d’une chanson nous accueillons PIOTKI chanteur/auteur/interprète lyonnais.
Il va nous dévoiler les secrets de l’écriture de sa chanson : Rockin’ Chair. Je vous invite à l’écouter avant de lire l’interview et si l’univers de PIOTKI vous plait je vous invite à le retrouver sur sa page facebook ou à écouter ses chansons sur sa page Youtube ! 😀
Bonne (longue) lecture ! 😀
1. L’ARTISTE
Bonjour. Oui, alors je suis Pierre Pauzin, auteur-compositeur-interprète de chansons en français à la guitare folk sous le nom de PIOTKI. Je chante mes chansons en public depuis un peu plus de 3 ans. D’abord dans de petits endroits, bars/scènes à Lyon d’où je suis originaire, puis au fil des scènes, des rencontres et de mes démarches dans des salles « chanson » à Lyon toujours mais aussi partout où je trouve (Toulouse, Paris, Grenoble etc…).
Les influences, c’est toujours compliqué à dire. Selon la chanson que tu vas découvrir les influences peuvent être différentes. Les artistes que j’aime bien sont souvent des artistes qui chantent en français et qui aiment raconter des histoires à base de guitare. Par exemple, des “classiques” souvent cités comme Renaud, Alain Souchon ou Francis Cabrel mais aussi Renan Luce, Barcella ou Benoît Dorémus.
J’écris des chansons depuis environ l’âge de 18 ans (j’en ai 31). Je ne sais pas si je suis expérimenté, j’ai toujours l’impression d’apprendre à écrire à chaque nouvelle chanson. Je me rends compte des “progrès” au fil des chansons sur le long terme, quand je relis mes anciennes chansons. Il y a une vraie différence entre les 1ères écrites à 18 ans, et les dernières. Il y a eu une période plutôt vers 18-25 ans où j’avais besoin d’en écrire vraiment beaucoup. J’en compte environ plus de 150. Mais il faut savoir faire le tri. Je tourne sur scène avec une vingtaine de chansons, la même vingtaine environ que l’on peut écouter sur internet.
Je compose aussi la musique. J’aime bien tout faire. J’ai encore du mal à demander aux autres de le faire à ma place. Alors qu’ils apporteraient certainement quelque chose de différent, de plus agréable à l’écoute (je commence à le faire pour les paroles). Mes mélodies à la guitare sont simples car j’ai appris la guitare en autodidacte souvent en soutien du texte. Ceci-dit, petit à petit, je me force à travailler davantage mes mélodies. C’est le cas des chansons plus “pop-rock” et moins “chanson française à texte”. J’en ai quelques unes avec des mélodies plus entraînantes et selon moi plus intéressantes. J’ai tendance à répéter une mélodie si j’en ai trouvé une simple qui me plaît.
2. LES BEAUX DÉBUTS
PIOTKI, c’est toi ? :O
Pour cette chanson, j’étais comme souvent quand je compose, chez moi, la guitare sur les genoux et j’avais un moment de tranquillité. Je cherchais un thème, une ambiance que je n’aurai pas encore explorée. J’ai cherché dans mes souvenirs d’enfance. Je ne suis pas du tout quelqu’un de « violent », bien au contraire, mais petit, enfant, j’aimais bien jouer aux cow-boys. Souvent, chez moi, les souvenirs récents ou plus lointains sont à la base des chansons. Je n’ai pas le souvenir d’avoir écrit sur un futur possible. Je jouais donc aux cow-boys avec mon fort-saloon Playmobil, je m’inventais des histoires. Je voulais écrire quelque chose de sérieux. J’ai donc ainsi pensé au personnage du cow-boy avec l’image d’Epinal qui va avec.
C’était une période où je regardais beaucoup de vidéos de chansons de Francis Cabrel en concert. Et je découvrais aussi les chansons ballades-folk de l’artiste espagnol Quique González, certainement inspiré par Bob Dylan. La chanson “Dallas-Memphis” me trottait dans la tête. Il y a un mélange de tout cela. C’est très inconscient. Et aussi un peu de la chanson “Repenti” de Renan Luce, une de mes chansons préférées qui décrit l’histoire d’un repenti de la mafia sicilienne. Les premiers mots sont très inconscients, il faut un peu lâcher prise et bien commencer par écrire quelque chose. C’est venu comme ça, j’ai écrit pour voir en me mettant dans la peau de ce cow-boy :
Je suis déjà debout
Café, clopes et la peine
D’un type au loin qui joue du blues…
La réminescence de PIOTKI
Ce que je ne savais pas et je le jure (hahaha). On me l’a dit ensuite un soir où je l’ai joué sur scène. Une personne est venue me voir et m’a dit “Dis-donc, ta chanson là sur le Rockin chair, le début c’est une chanson de Francis Cabrel”. Je ne m’en étais pas rendu compte du tout. Comme quoi l’inconscient. Et en effet les deux 1ers vers sont mots pour mots le début de “Ma place dans le trafic”, une chanson que je n’avais pas écouté depuis des années. Je suis ensuite allé écouter cette chanson, ça m’a fait un drôle d’effet. Heureusement ce ne sont que les deux premiers vers. J’ai beaucoup écouté les chansons de Cabrel dans la voiture de mes parents, les albums “Carte Postale” et “Samedi soir sur la terre” pendant les trajets en famille, quand j’étais enfant. Et parfois ça ressort ! Amusant.
De mémoire, l’après-midi, dans ma chambre, le lieu où je travaille. Pour ce genre de chanson “portrait”, “descriptive” je ne me souviens pas vraiment de mon état émotionnel. Ce n’est pas comme les chansons à “états-d’âme” autobiographiques ou bien les chansons issues d’une rencontre amoureuse … C’est différent. Je ne sais pas.
Tout s’est fait rapidement. J’avais la guitare avec moi. Donc l’envie de faire une chanson là maintenant. Les idées passaient dans ma tête. Celle du portrait de cow-boy m’a tout de suite plu. J’ai pris la guitare, l’ordi déjà allumé à côté, une page Word ouverte. j’ai tout fait/cherché en même temps mélodie+paroles.
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3. LE DÉVELOPPEMENT
J’ai tout fait en même temps. L’histoire s’est construite au fil de l’écriture. Il n’y avait rien de défini. Un cow-boy ancien chanteur. Je lui ai inventé une vie à laquelle il repense avec nostalgie.
Les autres membres du groupe n’étaient plus là. Là maintenant il s’ennuie sur son rockin’ chair. Les idées et les détails que j’affectionne sont venus vite par petite touche. C’est pas une chanson très joyeuse. Je ne crois pas que cette chanson soit reliée à un événement de ma vie. Est-ce que décrire un grand-père dans une chanson est forcément un hommage inconscient à ses grand-parents, je ne pense pas. Si j’avais voulu écrire sur mes grand-parents je n’aurai pas écrit une chanson aussi triste.
Comme j’ai commencé à te dire dans la réponse précédente. Une 1ère version très descriptive du grand-père cow boy, chanteur à la retraite, ancienne vedette de rock, on sait pas trop, a été très vite finie. Comme souvent, ma chanson finale était trop descriptive. Elle manquait de morale, de “vraie fin”. Un ami chanteur, Martin Luminet, qui m’aidait pendant une résidence d’artiste m’a dit ceci “j’aime beaucoup ta chanson Pierre, c’est très doux, joli, nostalgique mais on ne sait pas ce que tu penses de ce grand-père, il manque une fin, quelque chose de dramatique”. Alors on a réécrit ensemble quelques passages. Alors j’ai forcé un peu ma nature et accepté de modifier mon histoire. La toute fin disait ceci :
Mes potes, du groupe
Il reste plus qu’moi
Demain c’est l’anniversaire
De Lizzie, ma fille
J’lui jouerai de l’harmonica
Je trouvais l’expression “partir sous terre” que j’avais pourtant écrite, trop crue, directe, trop dure. J’aimais bien l’idée de nomme sa fille “Lizzie”, diminutif anglophone du prénom Elisabeth, celui d’une ancienne amie de fac. Mais cela alourdissait la chanson. Et les références/prénoms éloignent le public/l’auditeur de la chanson. Au final ce clin d’oeil à cette amie perdue de vue n’intéressait que moi.
La fin avec l’idée du grand-père qui joue à sa fille de l’harmonica pour son anniversaire est certes jolie, tendre, j’y tenais, j’évoquais l’harmonica aussi dans le premier refrain, mais cela manquait de dramaturgie. Je n’aime pas quand les chansons à tout prix évoquent une gravité souvent inutile. Cette fois-ci, bon j’ai cédé un peu et appliqué les conseils que l’on m’a donnés en gardant quelque chose tout de même d’assez raisonnable qui me correspond. La chanson ne finit pas sur une mort atroce du personnage (j’ai mes principes haha). La fin réécrite :
Du groupe il reste plus qu’moi
Demain c’est l’anniversaire
De ma fille
Le quinzième loin de moi
Terminer ainsi, le gens peuvent se dire, c’est touchant, le grand-père n’a pas vu sa fille depuis longtemps. J’ai réécrit aussi le premier “refrain” en expliquant aussi “ma fille vient plus ici, des nouvelles j’en ai pas”. C’est dur, ça peut parler aux gens, sans être sanguinolant. C’est un exemple des retouches apportées.
L’écriture est souvent directe, fluide. D’un coup. Je ne connais pas le terme technique. Soit tout de suite, au fil de l’écriture, j’enchaîne les idées et cela fait une chanson que je réécris par petite touches pour être au plus près de ce qui me plait. Ou bien, j’écris les premières idées mais elles sont trop banales, bancales. Cela ne me plait pas et j’arrête. Une fois une première version finie, je peux reprendre des texte des mois après pour les réécrire si le thème, l’idée générale, le personnage m’est cher. Je fais ça de plus en plus. Des mois après ou bien le jour suivant la première version aussi. Je fais lire aussi maintenant à un ami auteur à qui cette chanson pourrait plaire, qu’il me donne son avis. C’est toujours finalement très intéressant d’avoir un éclairage extérieur. Même si un texte de chanson est très personnel, on y met tellement de soi, cela permet de comprendre les incohérences, les choses que je suis seul à comprendre…
Finalement en plusieurs années. Je dirai en un an. La première version, je l’ai écrite en deux heures peut-être. Mais le temps de la jouer, de la faire écouter, qu’on me fasse des retours jusqu’à la réécriture censée être définitive, cela a pris un an. Et puis à un moment il faut bien s’arrêter de réécrire, sinon cela peut être infini.
Je ne m’organise pas de plages horaires précises d’écriture. Je pense beaucoup. Les idées sont là présentes en tête. Tout le temps. J’y pense et puis j’oublie comme dit la chanson de Jacques Dutronc. Quand j’ai un moment de libre et de tranquillité, avec ma guitare, je joue un peu, je repense aux idées et hop quand l’idée “allume” quelque chose de fort, hop je me met à écrire un peu, j’essaye. Parfois cela fait une chanson entière, parfois un bout, ou bien rien car c’est mauvais. Aussi, les émotions fortement ressenties dans la vie quotidienne (comment exprimer des émotions en chanson), une rencontre amoureuse, un deuil, un échec, une réussite, un état-d’âme me donnent envie, le besoin d’écrire tout de suite. Si je ne suis pas chez moi, sur le moment c’est pénible.
Au début, j’avais un carnet dans lequel j’écrivais plein de choses. Mais je me suis rendu compte que je ne piochais jamais dedans. Et que les idées du carnet revenaient naturellement dans mes pensées. Je ne me vois dicter des bouts de phrases en pleine rue ou dans un café pour absolument ne pas les oublier. Je laisse passer l’idée, je sais qu’elle reviendra quand je serai au calme chez moi, près d’une feuille, d’un stylo, de ma guitare et de l’ordi. Je ne provoque pas l’écriture de chanson. La contrainte m’embête et je fuirai si je devais écrire sous contrainte, je ferai autre chose. Ceci-dit, et c’est contradictoire, la contrainte en écriture ou en musique amène, c’est certain, à des formes inédites de création différentes et je pense plus intéressantes. Je suis paresseux, je pense aussi.
4. APRÈS L’ÉCRITURE
“Rockin’ Chair” est une chanson que je joue souvent. Même si elle est très loin de moi. Elle n’est pas du tout autobiographique, c’est rare. J’en ai fait un clip car elle a plu à quelques amis à qui je l’ai faite écouter. Le fait d’avoir fait un clip la met aussi en valeur, et fait qu’on m’en parle de cette chanson en particulier. J’ai eu quelques remarques élogieuses de la part d’amis chanteurs : Frédéric Bobin, Tom Bird … J’ai remarqué qu’elle plait beaucoup à mes amis chanteurs. Ils doivent s’y retrouver.
L’un deux m’a dit qu’il aurait aimé l’écrire. C’est très flatteur. Mais je garde une distance. J’ai juste voulu faire un portrait. Ce n’était pas du tout ma chanson préférée mais au fil des compliments, je prends plaisir à la jouer. Les passages sifflés ou à l’harmonica sur scène plaisent bien et comment dire, pour une fois, je trouve que la chanson “tient d’elle-même, sur ses pattes”. La mélodie est lente, c’est une ballade, c’est voulu, mais elle n’est pas non plus monotone comme j’en fais souvent. Elle fait “vraie chanson adulte” et pas “jeune homme qui raconte ses peines de coeur” un registre dans lequel je suis trop souvent et qui peut être très bien raconté aussi bien sûr.
Oui, le texte a connu plusieurs versions et plein de petites retouches (voir plus haut). Surtout cette fois-ci après retours, critiques d’amis qui la découvraient.
Pour conclure
Et voilà vous savez tout sur la chanson de PIOTKI « Rockin’ Chair » ! J’espère que vous pourrez en tirer des leçons / des conseils pour écrire vos chansons ! 🙂
Je tiens à remercier chaleureusement PIOTKI qui s’est merveilleusement bien prêté à l’exercice. Ce n’est jamais évident de révéler ses « secrets » de création lorsqu’on est artiste et PIOTKI l’a fait avec un grand enthousiasme et une grand précision ! 😀
Et comme mot de fin, n’oubliez surtout pas, écrivez des chansons ! 😀